Selena - La vie est faite de guerres infinies

On peut, et on a toujours pu me considérer peu seine d'esprit. Mon humanité a été brisée, dans mes jeunes années, avant même que je ne devienne un vampire, par la guerre. Cela ne veut pas dire pour autant que je suis naïve, imprudente ou suicidaire, non... Mais j'ai été marquée. Aujourd'hui c'est un peu moins intense, mais ces images de villes bombardées, les sirènes qui sonnaient annonçant les raids aériens allemands, ou tous ces corps m'ont traumatisée durablement. Pour autant, comme je disais, j'ai quand même pu, au delà, développer une personnalité qui m'était propre. Après tout, il suffit de s'adapter. C'était la crise à cette époque, et j'avais développé un certain attrait pour... Le vol. Mais ce n'était qu'un détail, j'avais pas tout ce qui me fallait pour vivre, il fallait bien que je trouve un moyen de trouver ce qui était nécessaire. Voilà ma philosophie: prête à tout pour arriver à mes fins. Déterminée, vicieuse et discrète, je n'ai jamais été bien bavarde, préférant l'action aux discours. Je peux également me montrer violente si la situation l'exige, n'ayant pas peur de me salir les mains, au contraire, j'ai toujours détesté déléguer mon travail, on est jamais mieux servi que par soi-même. Depuis que je suis vampire, tout ça a bien sûr été amplifié, donc tuer n'a jamais été un problème. Après tout, la guerre m'a "offert" son lot de cadavres... La mort était devenue mon quotidien, et même s'il s'était passé des années entre la fin de la guerre et ma transformation, j'avais toujours eu mes propres moyens de gérer ce traumatisme.

Londres, 1932. Voici le lieu et l'année de ma naissance, dans un monde qui peinait à se remettre de la première guerre mondiale. Mon père, militaire, n'était pas souvent présent, mais ma mère s'occupait de moi comme de la prunelle de ses yeux. Fille unique, les moyens financiers étaient pourtant très limités, et ce malgré l'emploi de papa. Je ne me souviens plus trop de ces années là, mais mon enfance, de toute façon, allait être mouvementée.

1939. J'avais 7 ans lorsque la seconde guerre mondiale éclata en Europe. Je n'avais pas vraiment conscience de ça à l'époque, et à partir de 1940, lorsque les avions allemands commencèrent à pilonner les villes anglaises, j'étais tellement insouciante que ça m'émerveillait comme l'on s'émerveille devant un feu d'artifice. Bien sûr, avec le temps je pris conscience qu'il s'agissait de bombes et que c'était mortel et barbare, mais la mort autour de moi était tellement devenue banale... Tout comme les alarmes qui nous sommaient d'aller se cacher en sous sol pour échapper à la mort. J'appris donc à vivre avec. Seulement, cette période allait durablement affecter ma personnalité.

La guerre finie en 1945, la vie allait pouvoir devenir plus calme. Pourtant, le moindre bruit d'avion ou alors d'explosion me faisait réagir. J'avais souvent l'impression que la fin des bombardements n'était que temporaire. Pourtant, ce temporaire s'étala, encore et encore, et ce jusqu'à ce que je comprenne que finalement, la guerre était bel et bien terminée. Je pris des cours, sans craindre que ceux-ci soient interrompus, et finalement, le temps passait à grande vitesse, à tel point que je ne me rendais pas compte de tout.

Des années plus tard, alors que je venais d'atteindre la majorité, ma vie allait à nouveau basculer, quant une personne non identifiée me... tua. J'étais morte, et pourtant, je revins à la vie par on ne sait quel miracle. Seulement, cette résurrection avait un prix, que je pus constater très vite: je devais me nourrir de sang, et ce sang, il venait des humains, exclusivement. Jamais je ne bus le sang d'un animal. Très vite, je parvins à m'adapter, la mort de tellement de personnes durant la guerre m'avait presque rendue insensible, et je tuais sans même l'ombre d'un remord. Bien évidemment, je n'étais pas bête, je savais qu'il ne fallait pas que je me dévoile, au risque de perdre ma nouvelle vie, au risque de tout perdre. Très vite, il devint évident que je ne pouvais pas rester à Londres, alors je pris l'avion jusqu'à Paris. Premier voyage hors de mes terres londoniennes. Je n'avais pas pris le temps de prévenir mes parents, il valait mieux pour eux qu'ils ne sachent pas quel monstre leur fille unique était devenue. A Paris, je jouais presque au petit poucet avec les cadavres, mais j'étais plus discrète, puisque les oiseaux ne pouvaient pas manger cette mie là. Vint ensuite le moment où Paris me lassa, et je voyageai à nouveau vers d'autres horizons.

Je fis alors des connaissances, vampires, humaines, voire même loups-garous et sorciers. Peut-être y avait-il encore d'autres créatures, mais je n'en ai jamais rencontrées d'autres ou alors je ne l'ai pas remarqué. Avec les années, mes massacres devinrent plus épars, moins concentrés, et surtout, moins voyants. Je prenais conscience, avec l'âge, que c'était un risque supplémentaire. Je devenais donc... Plus "sage".

Finalement,  l'année 2033 arriva bien vite, et pour cette année là, j'avais une destination toute trouvée: La Nouvelle-Orléans. Ne me demandez pas pourquoi, mais je suis désormais en Louisiane.