The sun is new each day • Freya

« Il était une fois un roi et une reine. Chaque jour ils se lamentaient : « Ah ! si seulement nous avions un enfant. » Mais d'enfant, point. Un jour que la reine était au bain, une grenouille bondit hors de l'eau et lui dit : « Ton vœu sera exaucé. Avant qu'une année soit passée, tu mettras au monde une fillette. » Ce que la grenouille avait prédit arriva. La reine donna le jour à une fille. Elle était si belle que le roi ne se tenait plus de joie. Il organisa une grande fête… »

Doucement, ma main se pose sur la chevelure de l’enfant pour la caresser un doux sourire aux lèvres alors que je réalise ma chance. Je referme lentement le livre au titre qui me parle car je me suis souvent bercée de ce comte que j’aime penser avoir inspiré à une époque. « La Belle au bois dormant. » Un souvenir me rappelle une année folle de mon existence où je m’étais octroyée le droit de profiter pleinement d’une jeunesse éternelle dont je n’avais pourtant jamais eu l’occasion de jouir réellement prisonnière du joug de ma tante qui n’attendait de moi qu’une chose : que je donne la vie. J’avais vécu dans la peur de succomber au charme du beau sexe qui m’apparaissait comme une menace. Se méfier de tout même de son ombre quand on ne vit qu’une année tous les siècles est une cruauté suprême. Je fuyais ma tante comme la peste, elle qui avait su m’écœurer de cette existence à laquelle je me sentais condamnée sans jamais pouvoir en jouir pleinement. J’avais eu le don de l’immortalité mais à quoi cela pouvait me servir si le joug du destin pesait sur moi. J’étais soumise à son jeu malsain prisonnière d’une danse à laquelle je n’avais pourtant jamais adhéré. Elle m’entraînait et je tentais d’en suivre le rythme de mes pieds malhabiles. Je ne supportais plus cette vie alors il ne me restait que deux possibilités : trouver le moyen de mourir ou m’en foutre totalement pour une fois. Ivre de ce désir de jeunesse, j’avais opté pour la seconde option. Je l’avais rencontré au cours d’une soirée folle sous le signe des premières symphonies de Mozart, des contes de Perrault, … La légèreté me collait à la peau. J’avais passé du temps avec ces amis de l’époque. J’avais attendu un siècle pour découvrir comment mes confidences sur mon histoire avaient inspiré Charles au point de me faire entrer dans la postérité. Vous l’aurez donc compris, depuis mille ans maintenant, je n’ai la chance de ne vivre qu’une année tous les cent ans.


Le vent fouette ma peau alors que je cours entre les arbres. Libre et jeune, je profite de l’insouciance de l’âge tendre. Un sourire complice échangé avec Finn et le rire part pour je ne sais plus quelle bêtise. Je baisse la tête lorsque mère me sermonne et je reprends mon travail avec application. Je m’applique espérant qu’elle m’apprendra la magie en récompense de mon obéissance. J’écoute ensuite toutes ses recommandations avant que je ne sente sa présence. Je sais qu’il arrive avant même de le voir et je me redresse rapidement pour accourir vers lui. Il est la perfection masculine selon mon regard de petite fille. Mon père est ce héros qui me protègera de tous les monstres qui peuvent se cacher. Je crois en sa force pour m’éviter tous les tourments. Pourtant ce jour fatidique, il n’est pas là pour répondre à mon cri désespéré alors que l’on me déracine de ma famille. Je l’appelle désespérément, elle qui m’a donné la vie mais mes appels restent sourds. Elle ne fléchit pas et ne s’oppose pas à celle qui fera tout son possible pour effacer mes souvenirs de ma famille, pour que je la considère comme ma mère mais sans jamais y parvenir. La mélancolie de cette vie que l’on m’a volée me hantent encore aujourd’hui alors qu’à chaque année, je ne peux résister au désir de voir ceux qui sont mes frères et sœurs par le sang mais qui ne me reconnaissent même pas. A chaque fois le gouffre se creuse dans mon cœur. Dahlia m’initie à cette magie qui la nourrit et lui donne ce désir d’immortalité. Son cœur sombre cherche la puissance quitte à en oublier son humanité. La haine que j’éprouve pour elle est sans limites mais je n’ose pas m’opposer. Soumise, je lui obéis presque en tout point sachant combien elle me surpasse. Je redoute qu’elle ne se venge sur ceux que j’aime pour l’unique raison que nous partageons le même sang. Dahlia a besoin de moi, que je lui donne un autre premier né pour nourrir son pouvoir.


Renoncer à l’amour est le pire sacrifice que j’ai fait. Condamnée par ma propre mère, ma fratrie jouit d’une chance inouïe : leur immortalité les protège de ce sacrifice que de devoir céder leur premier né. La rancœur qui gronde dans le cœur de ma tante se déverse sur moi. Je n’ai aucune liberté sur mon propre sort mais je peux lui refuser de voir son précieux souhait exaucer. Je ne condamnerai jamais mon propre enfant au même destin que moi. Je résiste et sa colère grandit. Privée de plus en plus de toutes mes libertés, j’en perds le goût de vivre. Pourtant un jour, mon cœur s’affole dans ma poitrine malgré moi. Je regarde ce garçon avec les yeux de l’amour et je ne peux résister à sa séduction. Conquise, je suis prête à tout oublier de mon calvaire en sa compagnie. Étrangement libre, je vis cette amourette en sa compagnie sans le joug de ma tante ignorant que celle-ci a perçu l’étincelle dans mon regard. Elle y voit le signe que je réalise le destin qu’elle a toujours projeté pour moi. Je sens la vie grandir dans mon ventre et un amour inconditionnel grandit à l’idée d’un jour rencontrer cette petite vie. Le bonheur me transcende toute entière. Mais je réalise que je la condamne à une prison pire que tous les barreaux du monde. La peur remplace ce bonheur et je comprends que je ne peux pas donner naissance à une vie sans la condamner à un sombre destin. Mon cœur se brise quand le corps inerte de Mathias me fait prendre conscience que je ne peux sauver la chair de ma chair. Je prends le poison, si puissant que j’espère qu’il pourra nous tuer tout deux. Mon cœur n’est que cendres quand je découvre que même la liberté de mourir m’a été ôtée mais m’a pris cet enfant dont la perte ne me laisse pas la moindre chance d’un jour guérir totalement de cette blessure. Jamais plus, je ne la laisserai profiter de moi. Une vie dénuée de sentiments commence alors mais surtout une fuite pour ne plus la croiser, jamais ou pas tant que je n’aurai pas trouvé la solution pour la tuer.


Je n’ai pas le sentiment d’avoir réellement vécu avant que je ne décide de prendre mon destin en mains. Je n’étais pas seule et j’avais passé mon éternité à ne regarder que de loin ceux qui m’avaient été enlevés mais cela avait suffisamment duré. Puissante, Rebekah fut la première à qui j’avouais mon identité. Protectrice, il n’était pas question que je laisse qui que ce soit lui faire du mal. J’avais toujours rêvé d’avoir une sœur et je sentais que nous pourrions nous rapprocher. Mes frères me laissaient plus pensives et surtout Klaus. Loin d’être fan de leurs manières, je n’étais pas certaine de vouloir partager mon existence avec eux. Mais protéger la petite demoiselle endormie dans ce lit était ce qui me semblait le plus important. Dahlia n’aurait pas Hope. Elle était innocente et ne méritait pas d’être condamnée à cette même existence qui m’avait brisé le cœur. La confiance est un long combat mais alliés, nous avions su sauver l’enfant miracle du triste sort qui l’attendait. Ma liberté retrouvée, j’aurais pu partir à la découverte du monde mais… Je voulais apprendre à connaître ma famille, ceux qui m’apparaissaient comme des étrangers dont le cœur devait être conquis. La famille est tout. J’ai découvert le sens de ce mot. Attachée à chacun d’eux, j’ai fini par apprécier même le sombre Klaus. Pour toujours et à jamais. Je me battrai pour chacun d’eux. Je pose un délicat baiser sur le front de la petite fille. « Dors bien princesse. Les histoires finissent toujours bien peu importe les obstacles. »


L'histoire comporte de nombreux épisodes dont les plus beaux restent à venir. Rien ne sert d'essayer d'anticiper de quoi sera fait demain car l'inattendu peut frapper du jour au lendemain. Cette ville a su renaître de ses cendres grâce aux désirs des sorcières des plus puissantes de ce monde. Sauvée du feu qui la consumait, elle fête le retour des êtres chers un jour perdus. Mais dans ce monde incertain, ses habitants sont des marionnettes soumises aux désirs de ceux qui sont aux commandes dans l'ombre. Rien ne dit que demain nous soyons encore tous vivants alors vivons pleinement aussi longtemps qu'on le peut.