Please, forgive me | Hayley

Voilà à peine quelques jours qu’Elijah était de retour à la Nouvelle-Orléans et qu’il foulait à nouveau le sol de cette ville qu’il détestait autant qu’il l’aimait. Pourtant, il était revenu à la vie voilà plusieurs mois déjà. On pouvait alors se demander pourquoi il n’était pas rentré plus tôt, pourquoi il n’était pas allé voir sa famille tout de suite. Le fait était que ce retour l’avait chamboulé, bien plus qu’il ne voulait l’admettre. Il ne comprenait pas ce qui s’était passé. Pourquoi était-il de retour ? La mort n’avait-elle pas voulu de lui ? Sa fin avait été parfaite, il ne regrettait en rien la façon dont ça s’était passé. Il avait disparu de la surface de cette Terre en même temps que Niklaus, ce frère dont il n’avait quasiment jamais quitté les côtés. Il s’était lui-même attribué le rôle de son gardien, de celui qui le mènerait vers la rédemption. Pourtant, il avait maintes fois failli à ce rôle. Jusqu’à avoir réussi, enfin. Sa mission était accomplie, alors, il pouvait bien le suivre dans la mort. Et voilà que cette mort l’avait rejeté. Mais pas seulement lui. Son frère aussi était revenu à la vie. Elijah le savait et pourtant, il n’était pas retourné à ses côtés tout de suite. Il avait ressenti le besoin de faire le vide, de réfléchir à ce qu’il souhaitait réellement faire de cette nouvelle chance qui lui était offerte. Chance ? Était-ce vraiment une chance ? Il n’en était pas si sûr. Sa vie n’avait toujours été que souffrance et malédiction. Pourquoi cela changerait maintenant ? Quoiqu’il en soit, après des semaines à errer çà et là, il était enfin de retour. Il ignorait comment sa famille réagirait, notamment Niklaus. Mais il se sentait enfin prêt à les affronter. A l’affronter. Avait-il appris de ses erreurs passées ? De son trépas ? Ou était-il retombé dans ses vieux travers ? Il n’y avait qu’un moyen de le découvrir.

Il avait élu résidence dans un grand appartement en ville, n’ayant pas souhaité retourner vivre au domaine des Mikaelson. Pas avant d’avoir assimilé la situation. Ensuite, il y réfléchirait sans doute. Il avait observé Niklaus de loin, peiné de constater qu’il semblait être totalement hors de contrôle. Mais il ne voulait pas commencer à culpabiliser en se disant que s’il était revenu plus tôt, il aurait peut-être réussi à canaliser son cadet. Ce soir, il l’affronterait. C’était décidé. Alors qu’il parcourait les rues de la ville, il ressentit une étrange sensation tout à coup. Le soleil venait de se coucher et la pénombre commençait à s’installer. Pourtant, il n’eut aucun mal à reconnaître la silhouette qui se dessinait à quelques mètres de lui. Ce n’était pas possible. Il devait être en train d’halluciner. Elle ne pouvait pas être en vie. Mais finalement, était-ce si fou que ça ? Niklaus et lui étaient bien revenus. Mais leur mort avait été différente. Pas de doute possible. C’était bien elle. Hayley. Il reconnaîtrait sa silhouette et son odeur partout. Les images de leur dernière « rencontre » lui revinrent en mémoire et lui déchirèrent littéralement le cœur. Elle était morte par sa faute. Il aurait pu la sauver, mais il ne l’avait pas fait. Pire, il l’avait regardée dans les yeux, sans ressentir la moindre émotion, le moindre sentiment à son égard. Peut-être avait-il enfin l’opportunité de lui demander pardon. Même s’il savait déjà que ce ne serait certainement pas chose aisée.

Elle avait sans doute déjà senti sa présence, alors ça ne servait à rien de retarder l’inévitable. Il s’approcha donc d’elle, sentant son cœur se serrer au fur et à mesure que ses traits devinrent plus visibles. Elle était aussi belle que dans ses souvenirs. « Hayley… » Son prénom franchit le seuil de ses lèvres avant qu’il ne s’arrête à quelques pas d’elle. Il avait envie de la serrer dans ses bras, de l’embrasser, de lui dire à quel point elle lui avait manqué. Mais surtout, il voulait s’excuser. Pourtant, il n’en fit rien. Il resta là, silencieux, immobile. Nul doute qu’elle ne tarderait pas à lui sauter dessus et probablement pas pour l’enlacer. « Je n’arrive pas à croire que tu sois là. Je pensais ne jamais te revoir… » C’était sans doute idiot et inutile de dire ça, mais c’était la vérité. « Je suis tellement désolé, Hayley. » Il n’avait pas besoin d’en dire plus, elle saurait parfaitement de quoi il parlait.  

C’était le choc. Revoir Hayley ici, vivante. Il avait du mal à y croire. En même temps, il était lui-même revenu, ainsi que Niklaus et d’autres personnes, sans doute. Pourquoi ? Il ignorait s’il trouverait la réponse un jour, mais actuellement, il s’en fichait un peu. Seule Hayley comptait. Et il ne savait pas comment réagir. S’il écoutait son envie du moment, il se précipiterait vers elle et l’enlacerait. Mais il savait que ce ne serait pas possible, qu’elle le repousserait probablement assez violemment avant de lui balancer tout un tas de reproches au visage. Des reproches sans doute justifiés après ce qu’il avait fait. En voyant l’expression de la jeune femme, il s’en voulait presque de s’être montré à elle, d’avoir interrompu son petit encas – encas qui était tombé au sol sous le choc. Il tenta de déchiffrer son expression, de voir s’il pouvait y déceler ne serait-ce qu’une once de joie de le revoir. Mais il n’y vit que colère et mépris. Et ça, ça faisait mal. Bien qu’il l’ait sans doute mérité. Il commença par s’excuser, même s’il avait conscience que tous les mots du monde ne suffiraient pas à excuser son geste. Il avait tué la femme qu’il aimait. Certes, à ce moment-là, il n’avait plus ses souvenirs, mais…n’aurait-il pas dû ressentir quelque chose, au fond de lui ? Pouvait-on réellement oublier un tel amour ? Apparemment, oui.

Les reproches fusèrent aussitôt. Les mots de la brune faisaient mal, le touchaient comme des milliers de coups de poignard en plein cœur. Elijah ne bougea pas, restant immobile, une expression neutre sur le visage, bien que ses yeux exprimaient toute la douleur qu’il ressentait à ce moment précis. « Sans aucun regret ? C’est vraiment ce que tu penses ? » C’était tout le contraire. « Quand j’ai retrouvé mes souvenirs…quand j’ai réalisé ce que j’avais fait…j’avais juste envie de disparaître. Je n’ai jamais ressenti une telle douleur auparavant. » Exposer ainsi ses sentiments et ses émotions n’était pas simple pour lui, lui qui gardait presque tout au fond de lui, la plupart du temps. Toutefois, il avait besoin de le dire à Hayley. Afin qu’elle comprenne. Ou du moins qu’elle se rende compte qu’il avait souffert des conséquences de ses actes et que lui-même ne se pardonnait pas. « Je n’attends pas de pardon. Je suis incapable de me pardonner moi-même, alors je ne peux pas te demander de le faire. » Il fit un pas en sa direction. Dieu ce qu’il avait envie de la prendre dans ses bras. « Je sais qu’aucune de mes paroles n’excusera ce que j’ai fait. » C’était dur. Douloureux. Intérieurement, il hurlait et son cœur saignait. « Peut-être que ça ne signifie plus rien pour toi…mais je suis heureux que tu sois revenue. Qu’on t’ait accordé une seconde chance. » Qu’on nous ait accordé une seconde chance. Pourtant, il ne prononça pas ces derniers mots. Il était trop tôt pour ça.

« Moi aussi, je suis mort. J’étais prêt à partir, à laisser ce monde derrière moi, avec Niklaus. Mais apparemment, je n’ai pas droit au repos éternel. Si telle est ma punition, je l’accepte. » Après tout ce qu’il avait fait, il ne méritait probablement pas de reposer en paix. Mais qu’en était-il de Hayley ? « J’espère qu’un jour, tu seras prête à m’accorder une dernière danse. » Un sourire presque imperceptible se dessina sur ses lèvres l’espace d’une seconde. Elle lui manquait atrocement. Mais il ne pouvait et ne voulait pas se montrer trop insistant. Il devait respecter sa décision et, s’il le fallait, il devrait lâcher prise. Même s’il ne le ferait pas sans se battre. Il voulait changer les choses, mettre en application les leçons qu’il avait retenues après tous ces événements tragiques. Bien entendu, c’était toujours plus facile à dire qu’à faire.

Elijah avait l’impression d’être dans une impasse. Il avait l’impression que quoiqu’il dirait, Hayley camperait sur ses positions et qu’elle n’était certainement pas prête à lui pardonner. Bien sûr, il pouvait comprendre qu’elle ait besoin de temps et il était prêt à lui laisser le temps nécessaire…mais ne pouvait-elle pas comprendre, elle aussi ? Comprendre qu’il n’avait jamais voulu ce qui s’était passé ? Qu’au moment où Hayley était morte, il n’avait plus ses souvenirs ? Qu’il n’était plus vraiment lui-même ? Les paroles de la louve lui firent l’effet de plusieurs coups de poignard en plein cœur. Oui, ça faisait mal. Et oui, il l’avait sans doute mérité. Mais il y avait autre chose. Quelque chose clochait chez la brune et ce n’était pas sa colère qui, elle, était sans doute justifiée et normale vu les circonstances. Non, il y avait autre chose. Elijah l’avait senti dès l’instant où elle avait parlé d’elle à la troisième personne. Néanmoins, il ne dit rien, préférant observer, voir comment la situation allait évoluer. Il espérait sans doute naïvement qu’ils réussissent à trouver un compromis, quelque chose qui leur permettrait de recommencer. Il avait envie de voir tout ça comme une seconde chance, mais il était apparemment le seul. Ça le peinait, mais il savait que ça ne se ferait pas en un claquement de doigts. Hayley était bien trop fière et têtue pour ça. C’était l’un des côtés de sa personnalité qu’il avait toujours admiré, parfois même apprécié. Mais là…ça devenait une vraie plaie.

Il grimaça. Les paroles de la louve étaient cinglantes, douloureux. « Non, Hayley…Tu te trompes. » On pouvait clairement voir la douleur dans son regard, un regard qui menaçait de s’embuer à tout moment. « Je t’ai toujours aimée. Je…t’aime toujours. J’aurais voulu que ce jour-là, cet amour prenne le dessus, qu’il soit plus fort que les barrières de mon esprit. Il n’y a pas un jour où je ne me sens pas rongé par la culpabilité. » Mais peu importe le nombre de fois où il le répéterait, à quoi cela servait-il si Hayley ne voulait rien entendre ? Il fit un pas vers elle lorsque la louve changea soudain de comportement. C’était comme si Elijah n’était plus là, comme si le monde qui l’entourait n’était plus là, que seule une chose comptait. Elijah l’avait sentie aussi. Cette humaine à proximité. Et surtout, son sang. Il emboîta le pas à Hayley, la suivant de près jusqu’à la gamine qui se retrouva pétrifiée face à la louve. Quelque chose n’allait vraiment pas. C’était comme si Hayley était devenue quelqu’un d’autre, comme si elle avait laissé la bête en elle prendre le dessus, n’agissant que par pur instinct. Que diable lui était-il arrivé ? Était-ce le fait d’être morte qui avait provoqué ça ? Pas le temps de se poser cinquante mille questions ou cette gamine ne verrait pas le soleil se lever, demain. « Hayley. Non. » Il se mit entre la jeune femme et l’humaine, conscient du risque qu’il prenait. Si Hayley pétait un plomb, elle serait bien capable de le mordre. Mais il savait aussi qu’elle s’en voudrait toute sa vie si elle tuait cette fille. Car elle n’était pas une meurtrière, elle n’était pas un monstre qui tuait par pur plaisir ou parce qu’elle avait faim.

Elijah se tourna vers l’humaine et la regarda droit dans les yeux. « Pars. Rentre chez toi, occupe-toi de ta main et va dormir. Ne ressors plus jusqu’à demain matin. Et oublie ce qui vient de se passer ici. » Une fois que la jeune fille commença à partir, Elijah se tourna vers Hayley, prêt à l’empêcher de poursuivre l’humaine. Il espérait toutefois ne pas en arriver là. « Hayley. Réveille-toi. » Elle avait besoin d’aide, c’était évident. Maintenant qu’il avait été témoin de ça, il se jura de tout faire pour l’aider, qu’elle le veuille ou non. « Viens. Je te raccompagne. Je suis sûr que nous pourrons trouver un autre moyen pour assouvir ta faim. » Est-ce qu’elle l’entendait seulement ? Est-ce qu’elle comprenait ses mots ?